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DICTIONNAIRE


DES


SCIENCES PHILOSOPHIQUES




ABAI

A, dans les traités de logique, est le signe par lequel on représente les propositions générales et affirmatives.

Asserit A, negat E, verum generaliter ambo ;

Asserit I, negat O, sed particulariter ambo.

Il représente encore dans les propositions complexes et modales l’affirmation du mode et l’affirmation de la proposition. Consultez Aristote, Premiers analytiques, et Logique de Port-Royal, 2e partie. Voy. Propostion, Syllogisme.


ABAILARD, ABEILARD ou ABÉLARD (Pierre), né en 1079, à la seigneurie du Pallet ou Palais (Palatium), près de Nantes, était l’aîné d’une assez nombreuse famille. Son père, noble et guerrier, avait quelque teinture et un vif amour des lettres, et il voulut polir l’esprit de ses enfants par l’étude et l’instruction, avant de les façonner au rude métier des armes. Cette éducation savante développa les dispositions naturelles d’Abailard ; il s’aperçut que la carrière militaire convenait peu à ses goûts et à ses talents, et malgré les avantages qu’elle lui offrait, il y renonça, abandonna son droit d’aînesse et l’héritage paternel, et se voua pour la vie à la culture des sciences, surtout de la dialectique. Un passage cité par M. Cousin (Ouvrages inédits d’Abailard, in-4, Paris, 1836, p. 42) établit formellement contre l’opinion contraire, qu’un de ses premiers maîtres fut Roscelin de Compiègne, qu’il a dû entendre vers l’âge de vingt ans. Après avoir parcouru diverses villes, cherchant partout les occasions de s’aguerrir à la dispute, il vint à Paris, prendre place parmi les nombreux disciples auxquels Guillaume de Champeaux, archidiacre de Notre-Dame et le premier dialecticien du temps, développait les principes du réalisme, à l’école de la cathédrale ou du cloître. Mais dès qu’il eut assisté à quelques-unes de ses leçons, mécontent de son système, il chercha d’abord à l’embarrasser par des objections captieuses, puis résolut de se poser publiquement comme son émule et son adversaire. Il commença par ouvrir, non sans difficulté, une école à Melun, où Philippe Ier tenait sa cour, et peu de temps après, pour être plus à portée d’en venir souvent aux prises avec son ancien maître, il s’établit à Corbeil. L’affaiblissement de sa santé l’obligea, sur ces entrefaites, d’aller chercher du repos en Bretagne. Lorsqu’il revint à Paris, vers 1110, Guillaume s’était retiré dans un faubourg de la ville, près d’une chapelle qui devint plus tard l’abbaye de Saint-Victor ; mais, sous l’habit de chanoine régulier, il continuait d’enseigner publiquement la dialectique et la théologie. Soit curiosité, soit tout autre motif, Abailard désira l’entendre, et bientôt, plein d’une nouvelle ardeur pour la polémique, il le provoqua sur la question des universaux. Guillaume accepta le défi, soutint faiblement son opinion, et fut, à ce qu’il paraît, obligé de s’avouer vaincu. Ce triomphe inespéré, sur un des plus célèbres champions du réalisme, valut à Abailard une immense popularité, on alla jusqu’à lui offrir la chaire du cloître, et si l’opposition de ses ennemis fit avorter ce projet, il put, du moins, se fixer aux portes de Paris, sur la montagne Sainte-Geneviève, où, comme d’un camp retranché, il ne cessa de harceler les écoles rivales. Il avait alors plus de trente ans, et ses études n’avaient pas encore dépassé le cercle des questions logiques. Jugeant avec raison qu’un enseignement purement dialectique pourrait paraître à la longue étroit et monotone, il résolut de s’appliquer à la théologie, et choisit l’école d’Anselme de Laon comme la plus fréquentée et la plus célèbre. Mais il semble qu’il fût dans sa destinée de n’être jamais satisfait des maîtres auxquels il s’adressait. Anselme lui parut un théologien sans portée, dont la parole ne laissait aucune trace féconde dans l’esprit de ses auditeurs ; il se sépara de lui avec l’intention d’étudier seul l’Écriture sainte, et osa même ouvrir une école à côté de la sienne et y commenter Ézéchiel. Obligé, à cause de ce fait, de quitter Laon, il trouva, en arrivant à Paris, Guillaume de Champeaux promu à l’évèché de Châlons, l’école du cloître vacante, le parti qui le repoussait dispersé, et il obtint, à peu près sans contestation, de paraître dans cette chaire, au pied de laquelle il s’était assis pour la première fois treize années auparavant. Une élocution abondante et facile, un organe mélodieux, une physionomie agréable, beaucoup d’enjouement, le talent de la poésie rehaussant la profondeur philosophique, toutes les qualités extérieures jointes à tous les dons de l’esprit, lui assurèrent une vogue prodigieuse. On accourait pour l’entendre de l’Angleterre, de l’Allemagne, de toutes les provinces de France, et, suivant des relations authentiques, il compta au-