Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/212

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représentait beaucoup plus que le gain. Depuis le jour où vous l’avez vu quitter les Trembles, tenant à la main une lettre reçue de Paris, comme un jeune soldat muni de sa feuille de route, ses espérances avaient, je crois, reçu plus d’un échec, mais sans diminuer sa foi robuste ni le faire douter une seule minute que le succès, sinon la gloire, ne fût à Paris même, et juste au bout du chemin qu’il y suivait. Il ne se plaignait point, n’accusait personne, ne désespérait de rien. Il avait, sans aucune illusion, la ténacité des espoirs aveugles, et ce qui chez d’autres aurait pu passer pour de l’orgueil n’existait chez lui que comme un sentiment très-exactement déterminé de son droit. Il appréciait les choses avec le sang-froid d’un lapidaire essayant des bijoux de qualité douteuse, et se trompait rarement sur le choix de celles qui méritaient de lui de la peine et du temps.

Il avait eu des protecteurs. Il ne trouvait pas que solliciter fût un déshonneur, parce qu’il ne proposait alors qu’un échange de valeurs équivalentes, et que de pareils contrats, disait-il, n’humilient jamais celui qui, pour sa part de société, apporte l’appoint de son intelligence, de son zèle et de son talent. Il n’affectait pas de mépriser l’argent, dont il avait grand besoin, je le savais, sans qu’il en