Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/280

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— Demain, lui dis-je. Adieu !

— Allez ! me dit-elle avec un froncement de sourcil qui lui donna tout à coup une expression singulière, et que Dieu vous conseille ! »

Le lendemain, en effet, j’étais en voiture. Olivier, qui s’était engagé sur l’honneur à m’écrire, tint sa promesse aussi loyalement que son incurable inertie le lui permettait. Je sus par lui l’état de santé de Madeleine. Madeleine apprit sans doute aussi qu’elle n’avait rien à craindre pour la vie du voyageur ; mais ce fut tout.

Je ne vous dirai rien de ce voyage, le plus magnifique et le moins profitable que j’aie jamais fait. Il y a des lieux dans le monde où je suis comme humilié d’avoir promené des chagrins si ordinaires et versé des larmes si peu viriles. Je me souviens d’un jour où je pleurais sincèrement, amèrement, comme un enfant que les larmes ne font pas rougir, au bord d’une mer qui a vu des miracles, non pas divins, mais humains. J’étais seul, les pieds dans le sable, assis sur des roches vives où l’on voyait des boucles d’airain qui jadis avaient attaché des navires. Il n’y avait personne, ni sur cette plage abandonnée par l’histoire, ni en mer, où pas une voile ne passait. Un oiseau blanc volait entre le ciel et l’eau, dessinant sa grêle en-