Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/304

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comme un peu chez lui, et, quand je le vis s’engager dans la cour somptueuse, monter lentement le perron et disparaître dans une antichambre de petit palais, mieux que jamais je compris pourquoi ce maigre jeune homme aux airs modestes et résolus ne serait en aucun cas le valet de personne, et j’eus le sentiment net de sa destinée.

Je rentrai, moins attristé encore des plaies secrètes que je venais de toucher du doigt qu’humilié vis-à-vis de moi-même de mon impuissance à en rien conclure de pratique. Je trouvai Olivier qui m’attendait ; il était las et ennuyé.

« Je reviens de chez Augustin, » lui dis-je.

Il examina mes vêtements tachés de boue, et comme il avait l’air de ne pas comprendre de quel lieu je pouvais sortir en pareil état :

« Augustin est marié, lui dis-je.

— Marié ! reprit Olivier, lui !

— Et pourquoi non ?

— Cela devait être. Un pareil homme devait infailliblement commencer par là. As-tu remarqué, continua-t-il sérieusement, qu’il y a deux catégories d’hommes qui ont la rage de se marier de bonne heure, quoique leur situation les mette dans l’impossibilité certaine soit de vivre avec leurs femmes, soit de les faire vivre : ce sont les marins