Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/373

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coûterait trop de se dire adieu, mais sans prévoir le lieu ni l’époque où nous pourrions nous retrouver. J’avais de courtes affaires à régler dont je chargeai mon domestique. J’allai seulement prendre congé d’Olivier. Il se disposait à quitter la France. Il ne me questionna pas sur mon séjour à Nièvres : en m’apercevant, il avait deviné que tout était fini.

Je n’avais plus à lui parler de Julie, il n’avait plus à me parler de Madeleine. Les liens qui nous avaient unis depuis plus de dix années venaient de se rompre à la fois, au moins pour longtemps.

« Tâche d’être heureux, » me dit-il, comme s’il n’y comptait pas plus pour moi que plus lui-même.

Trois jours après mon départ de Nièvres, j’étais à Ormesson. J’y passai la nuit seulement auprès de Mme Ceyssac, que mon retour éclaira sur bien des choses, et qui me donna à entendre qu’elle avait souvent déploré mes erreurs dans sa tendre pitié de femme pieuse et de demi-mère. Le lendemain, sans prendre une heure de véritable repos, dans cette course lamentable qui me ramenait au gîte comme un animal blessé qui perd du sang et ne veut pas défaillir en route, le lendemain soir, à la nuit tombée, j’arrivais en vue de Villeneuve. Je mis pied à terre aux abords du village ; la voiture continua de suivre la route pendant que je