Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demeura ainsi quelque temps dans un silence embarrassé que je ne voulus pas rompre. Il était pâle. Sa physionomie, légèrement altérée par la fatigue ou rajeunie par les lueurs passionnées d’une autre époque, reprenait peu à peu son âge, ses flétrissures et son caractère de grande sérénité. Le jour baissait à mesure que la paix des souvenirs s’établissait aussi sur son visage. L’ombre envahissait l’intérieur poudreux et étouffé de la petite chambre où se terminait cette longue série d’évocations dont plus d’une avait été douloureuse. Des inscriptions des murailles, on ne distinguait plus rien. L’image extérieure et l’image intérieure pâlissaient donc en même temps, comme si tout ce passé ressuscité par hasard rentrait à la même minute, et pour n’en plus sortir, dans le vague effacement du soir et de l’oubli.

Des voix de laboureurs qui longeaient les murs du parc nous tirèrent l’un et l’autre d’un embarras réel, celui de nous taire ou de reprendre un entretien brisé.

« Voici l’heure de descendre, » dit Dominique ; et je le suivis jusqu’à la ferme, où tous les soirs, à pareille heure, il avait quelques soins de surveillance à remplir.

Les bœufs rentraient du labour, et c’était le