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CHAP. III. LA CITÉ SB FORME. 149

lien social n*est pas facile à établir entre ces êtres humains qui sont si divers, si libres, si inconstants. Pour leur donner des règles communes, pour instituer le commandement et faire accepter l'obéissance, pour faire céder la passion à la raison et la raison individuelle à la raisoa publique, il faut assuré- ment quelque chose de plus fort que la force matérielle, de plus respectable que l'intérêt, de plus sûr qu'une théorie philosophique, de plus immuable qu'une convention, quelque chose qui soit également au fond de tous les cœurs et qui y siège avec empire.

Cette chose-là, c'est une croyance. Il n'est rien de plus puissant sur Pâme. Une croyance est l'œuvre de notre esprit, mais nous ne sommes pas libres de la modifier à notre gré. Elle est notre création, mais nous ne le savons pas. Elle est humaine, et nous la croyons dieu. Elle est l'effet de notre puissance et elle est plus forte que nous. Elle est en nous ; elle ne nous quitte pas ; elle nous parle à tout moment. Si elle noi^s dit d'obéir, nous obéissons ; si elle nous trace des de- voirs, nous nous soumettons. L'homme peut bien dompter la nature, mais il est assujetti à sa pensée.

Or, une antique croyance commandait à l'homme d'honorer l'ancêtre; le culte de l'ancêtre a groupé la famille autour d'un autel. De là la première religion, les premières prières, la première idée du devoir et la première morale -, de là aussi la propriété établie, l'ordre de la succession fixé \ de là enfin tout le droit privé et toutes les règles de l'organisation domestique. Puis la croyance grandit, et l'association en même temps. A mesure que les hommes sentent qu'il y a pour eux des divi" nilés communes, ils s'unissent en groupes plus étendus. Les mêmes règles, trouvées et établies dans la famille, s'appliquent successivement à la phratrie, à la tribu, à la cité.

Embrassons du regard le chemin que les hommes ont par- couru. A l'origine, la famille vit isolée et l'homme ne connaît que des dieux domestiques^ 0£o\ Ttarpôioi, dii gentiles. Au-dessus de la famille se forme la phratrie avec son dieu, 6ebç ippotTpioç, Juno curialis. Vient ensuite la tribu, et le dieu de la tribu, Otbt fvXiof. On arrive enfin à la cité, et l'on conçoit un dieu

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