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178 LIVRE m. LA CITÉ.

pas aux dons qu'on leur faisait : ils passèrent du côté d'Athènes, et l'île, privée de protectears, fut conquise *.

En temps de guerre, si les assiégeants cherchaient à s'em- parer des divinités de la ville, les assiégés, de leur côté, les retenaient de leur mieux. Quelquefois on attachait le dieu avec des chaînes pour l'empêcher de déserter. D'autres fois on le cachait à tous les regards pour que l'ennemi ne pût pas le trouver. Ou bien encore, on opposait à la formule par la- quelle l'ennemi essayait de débaucher le dieu une autre for- mule qui avait la vertu de le retenir. Les Romains avaient imaginé un moyen qui leur semblait plus sûr : ils tenaient secret le nom du principal et du plus puissant de leurs dieux protecteurs; ils pensaient que, les ennemis ne pouvant jamais appeler ce dieu par son nom, il ne passerait jamais de leur côté et que leur ville ne serait jamais prise*.

On voit par là quelle singulière idée les anciens se faisaient des dieux. Ils furent très-longtemps sans concevoir la Divinité comme une puissance suprême. Chaque famille eut sa reli- gion domestique, chaque cité sa religion nationale. Une ville était comme une petite Église complète, qui avait ses dieux, ses dogmes et son culte. Ces croyances nous semblent bien grossières, mais elles ont été celles du peuple le plus spirituel de ces temps-là, et elles ont exercé sur ce peuple et sur le peuple romain une si forte action que la plus grande partie de leurs lois, de leurs institutions et de leur histoire, est venue , delà.

t. Plutarque, SoUrn, 9.

J. Pline, Higt. nat., XXVIII, 4, 18 : constat ideo occultatum in cujua d«i tu- UlaRoma «saet, ne qui hoslium evocarent. — Macrobè, Sat., III, 9 : Ipsiut ur- kis nomen etiam doctissimia ignotum e$t, caventibus Romanis ne, quod ssspt Odversus urbes hc^tium fecîsse se noveranl, idem ipsi hostili evocatione pa erentur, si tuteUe suas nomen divulgarelur. — Servius, ad jEn., II, 3al : « />'o- Wioni cdalum esse voluerunt in cujus dei luiela Roma sU, nt mis nominibt" ^ii Romuni appeUarentur, n< Mavkgurari pottitU. »

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