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CHAP. I. NOUVELLES CBOYANCES. 483

ces étroites limites de l'association humaine. Il dédaigne les divisions que la religion des vieux âges a établies. Gomme il conçoit le Dieu de l'univers, il a aussi l'idée d'un État oià en- trerait le genre humain tout entier ^.

Mais voici un principe encore plus nouveau. Le stoïcisme, en élargissant l'association humaine, émancipe Hndividu, Comme il repousse la religion de la cité, il repousse aussi la servitude du citoyen. Il ne veut plus que la personne humaine soit sacrifiée à l'État. Il distingue et sépare nettement ce qui doit rester libre dans l'hortime, et il affranchit au moins la conscience. Il dit à l'homme qu'il doit se renfermer en lui- même, trouver en lui le devoir, la vertu, la récompense. Il ne lui défend pas de s'occuper des afTaires publiques; il l'y invite même, mais en l'avertissant que son principal travail doit avoir pour objet son amélioration individuelle, et que, quel que soit le gouvernement, sa conscience doit rester indépen- dante. Grand principe, que la cité antique avait toujours mé- connu, mais qui devait un jour devenir l'une des règles les plus saintes de la politique.

On commence alors à compreQ<lre qu'il y a d'autres devoirs que les devoirs envers l'État, d'autres vertus que les vertus civiques. L'âme s'attache à d'autres objets qu'à la patrie. La cité ancienne avait été si puissante et si tyrannique, que l'homme en avait fait le but de tout son travail et de toutes ses vertus \ elle avait été la règle du beau et du bien, et il n'y avait eu d'héroïsme que pour elle. Mais voici que Zenon en- seigne à l'homme qu'il a une dignité, non de citoyen, mais d'homme ; qu'outre ses devoirs envers la loi, il en a envers lui-même, et que le suprême mérite n'est pas de vivre ou de mourir pour l'État, mais d'être vertueux et de plaire à la di- vinité. Vertus un peu égoïstes et qui laissèrent tomber l'indé- pendance nationale et la liberté, mais par lesquelles l'individu grandit. Les vertus publiques allèrent dépérissant, mais les vertus personnelles se dégagèrent et apparurent dans le monde.

1. L'idée de la cité universelle est eiprimée par Sénèqae, ad Marciam, 4; De tranquillîlate, 14; par Plutarque, De exsilio; par Marc-Aurèk : « Comme AaU^ ain. j'ai Rome pour patrie; comme homme, le moade. >

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