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78 UVRB II. LA FAMILLE.

il ne faut pas se figurer une fortune qui passe d'une main dans une autre main. La fortune est immobile ccmme le foyer et l tombeau auxquels elle est attachée. C'est l'homme qui passe C'est l'homme qui, à mesure que la famille déroule ses géné- rations, arrive à son heure marquée pour continuer le culte et prendre soin du domaine.

��2» Le fils hérite, non la fille.

C'est ici que les lois anciennes, îi première vue , semblent bizarres et injustes. On éprouve quelque surprise lorsqu'on voit dans le droit romain que la fille n'hérite pas du père, si elle est mariée, et dans le droit grec, qu'elle n'hérite en aucun cas. Ce qui concerne les collatéraux paraît, au premier abord, en- core plus éloigné de la nature et de la justice. C'est que toutes ces lois découlent, non pas de la logique et de la raison, non pas du sentiment de l'équité, mais des croyances et de la reli- gion qui régnaient sur les âmes.

La règle pour le culte est qu'il se transmet de mâle en mâle ; la règle pour l'héritage est qu'il suit le culte. La fille n'est pas apte à continuer la religion paternelle, puisqu'elle se marie et qu'en se mariant elle renonce au culte du père pour adopter celui de l'époux : elle n'a donc aucun titre à l'héritage. S'il ar- rivait qu'un père laissât ses biens à sa fille, la propriété serait séparée du culte, ce qui n'est pas admissible. La fille ne pour- rait même pas remplir le premier devoir de l'héritier, qui est de continuer la série des repas funèbres, puisque c'est aux ancê- tres de son mari qu'elle offre les sacrifices. La religion lui dé- fend donc d'hériter de son père.

Tel est l'antique principe^ il s'impose également aux législa- teurs des Hindous, à ceux de la Grèce et à ceux de Rome. Les trois peuples ont les mêmes lois, non qu'ils se soient fait des «mprunts, mais parce qu'ils ont tiré leurs lois des mômes croyances.

« Après la mort du père^ dit le code de Manou, que les rères se partag^ent entre eux le patrimoine » ; et le législateur

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