Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/14

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et impénétrables, devaient cacher l’égoïsme et la froideur du calcul ; sa voix mignarde n’était point sans attraits ; et, doué d’une grande mémoire, il débitait avec beaucoup de facilité une foule de lieux-communs, qui, de prime abord, pouvaient aisément le faire passer pour un homme éloquent et spirituel.

Les trois sœurs eurent bien vite fait le sacrifice de leurs goûts en matière de beauté masculine, et, après une heure d’entretien, elles trouvèrent M. de Vaudrey fort séduisant, compensant par son apparente instruction et par son agréable causerie les agréments physiques qui pouvaient lui manquer.

Au moment où Henriette accepta le bras de M. de Vaudrey pour rentrer au château, elle surprit à travers le feuillage un regard étincelant attaché sur elle avec une expression pleine de jalousie et de ressentiment. Elle tressaillit ; mais se remettant promptement, elle fit à l’homme qui la regardait ainsi un signe d’intelligence, presque imperceptible, et sortit de la tonnelle.

Quand il fut seul, l’homme dont Henriette venait de rencontrer le regard se redressa, et, se coulant entre les arbres, il atteignit, dans un endroit écarté, le mur qu’il franchit, après s’être assuré que personne ne pouvait le voir. Il marcha alors pensif et désappointé, comme un homme qui entrevoit pour la première fois de grandes difficultés à la réalisation d’un rêve longtemps caressé.

— Eh bien ! Joseph, lui dit en passant un paysan à figure matoise, tu sais la grande nouvelle ?

Joseph Duthiou, car c’était celui-là même dont Gabrielle avait malignement prononcé le nom dans sa petite querelle avec Henriette, tressaillit, et, malgré la crainte d’entendre confirmer ce qu’il redoutait :