Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/15

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— Non, je ne sais pas, répondit-il ; quelle nouvelle ?

— On a vu passer tout à l’heure un beau carrosse, et l’on dit que c’est un mari qui vient d’arriver pour Mlle Henriette.

— Ah ! fit Joseph, en rougissant ; et que voulez-vous que ça me fasse ?

— Rien ! ni à moi non plus, reprit en souriant narquoisement et en clignant de l’œil le rusé paysan qui passa outre.

Joseph continua lentement son chemin.

C’était vraiment un beau garçon, et qui ne méritait point les épigrammes de Gabrielle. Il portait le vêtement des ouvriers, mais il y avait dans sa démarche une certaine désinvolture, une nonchalance qui n’était point la pesanteur de l’homme courbé par le travail des champs, et qui annonçait des goûts et des habitudes plus raffinés que ne le comporte la classe laborieuse à laquelle il paraissait appartenir. Sa figure régulière et intelligente, son œil noir, son teint bronzé, sa chevelure abondante, de cette belle couleur brun-rouge aimée des peintres, révélaient de prime-abord une organisation passionnée ; mais en observant plus attentivement sa physionomie, on y découvrait, à la sécheresse des lignes du nez et à certaines contractions des lèvres et des muscles du visage, l’ambition plutôt que l’amour, la ruse et le calcul plutôt que la fougue de la passion. Enfin, malgré la vigueur de ses traits, malgré la force et la largeur de sa carrure, on devinait en lui une nature paresseuse et efféminée. Ces contrastes s’expliquaient par l’état qu’avait embrassé Joseph Duthiou. Intelligent et désireux de s’enrichir, il avait quitté, de bonne heure, l’humble métairie de son père pour aller à la ville, apprendre un état.

D’abord peintre en bâtiments, son goût