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yvonnec le breton.

Le père Vent-Debout commença.

— J’ai vu. J’affirme, dit-il. Il y a bien longtemps de cela, j’étais à bord de la Pallas, un baleinier bien connu dans les mers polaires. Nous partions du Havre. Un des nôtres, l’élève du capitaine, un nommé Babiot, manqua à l’appel. On resta en rade jusqu’au soir pour l’attendre. Il ne vint pas et l’armateur nous envoya un homme pour le remplacer. Babiot remplacé, rien ne nous retenant en rade, nous gagnâmes le large. Nous étions en pleine mer depuis deux jours, lorsqu’un autre navire, pavillon américain à la corne d’artimon, laisse arriver sur nous vent arrière. Le navire passe rapide derrière notre couronnement et les porte-voix des capitaines retentissent. À cent pieds de distance, on échange sans lunette force saluts et force bonjours. Tout à coup le capitaine s’écrie :

— Eh ! voilà Babiot ! En effet nous le reconnaissons tous et nous crions : — Bonjour, Babiot ! en télégraphiant avec nos chapeaux. Babiot répond de son côté avec son bonnet. Moi je l’ai vu comme les autres. — C’est ça, dite capitaine, nous ayant manqués, il aura pris un autre engagement. Vite, enfants, une embarcation à la mer. Je veux aller serrer la main de mon brave Babiot. — Et nous aussi-, dîmes-nous en chœur. — Non, je vais le chercher et je le ramène. Le capitaine saute dans l’embarcation et aborde le navire. Les deux commandants se saluent. Puis le capitaine regarde avec inquiétude autour de lui. — Qui cherchez-vous ? lui demande son collègue. — Un de vos hommes, un ami à moi. Puis à haute voix : — Hé ! Babiot, mon vieil ami, ohé ! où te caches-tu donc ? L’équipage le regarde avec un étonnement qui ressemble à de la terreur. — Que cherchez-vous ? qui appelez-vous ?

— Mais pardieu Babiot qui était là avec vous, qui m’a fait signe avec son bonnet.