Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/209

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" Que Dieu, » s’écrie-t-il, " t’accable de tous maux !
1590« Celui que tu viens de tuer, je te le ferai payer chèrement. »
Là-dessus il éperonne son cheval, qui prend son élan.
Quel que doive être le vaincu, voici Grandoigne et Roland en présence.Aoi.

CXXXIX

Grandoigne était un homme sage et vaillant,
Intrépide et sans peur à la bataille.
1595Sur son chemin il rencontre Roland :
Jamais il ne l’avait vu, et cependant il le reconnaît sûrement,
Rien qu’à son fier visage et à la beauté de son corps,
Rien qu’à sa contenance et à son regard.
Ses yeux tombent sur l’acier rougi de Durendal,
Et le païen ne peut s’empêcher d’en être épouvanté :
1600Il veut fuir : impossible !
Roland le frappe d’un coup si vigoureux
Qu’il lui fend le beaume jusqu’au nasal.
Il coupe en deux le nez, la bouche, les dents ;
Il coupe en deux tout le corps, et le haubert à mailles ;
1605Il coupe en deux les auves d’argent de la selle d’or ;
Il coupe en deux très profondément le dos du cheval :
Bref, il les tue tous deux sans remède.
Et ceux d’Espagne de pousser des cris de douleur.
Et les Français : «Notre champion, » disent-ils, « frappe de " bons coups. »Aoi.

CXL

1610Merveilleuse est la bataille et rapide.
Les Francs y frappent vigoureusement, et, pleins de rage,
Tranchent les poings, les côtes, les échines,

1604. Jazerenc. Le jaseran ou jaseron, c’est, encore aujourd’hui, de la maille ou de la chaînette. Un osberc jazerenc est donc " un haubert à mailles », et notre poète oppose sans doute cette armure perfectionnée à l’ancienne brunie de cuir.

1605. Alves. Les auves sont les côtés de la selle, bien distincts des arçons. (Voir les notes des v. 1229 et 1331.) On lit dans Flore et Blanchefleur : Sele ot de mult riche façon ; — Les auves sont d’autre manière, etc.