Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/19

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Napoléon visitant le champ de Bataille d’Eylau avant de passer la revue des troupes est une composition d’un sentiment épique et d’un effet sinistrement grandiose. Monté sur son cheval de couleur isabelle, et vêtu d’une pelisse de satin gris bordée de fourrures, qu’il portait en effet ce jour-là, l’Empereur parcourt le champ de bataille jonché de morts et de blessés. Jamais cette belle tête de César ne fut peinte d’une façon plus poétique et plus sublime. Le héros contemple avec mélancolie le spectacle sinistre qui l’entoure, et levant au ciel sa main de marbre semblable à celle d’un dieu antique, il semble, en face de cette hécatombe humaine, déplorer le prix que coûte la gloire. Des Lithuaniens embrassant sa botte implorent sa miséricorde, tandis que près de lui caracole son brillant état-major, parmi lequel piaffe Murat dans son costume théâtral. Au premier plan, des chirurgiens donnent leurs soins à des blessés à demi enfouis sous la neige, les débris de caissons et d’affûts, les cadavres et le hideux détritus de la bataille. Au fond, sous le ciel noir, s’étend la vaste pleine blanche où s’ébauche la silhouette de quelque cheval se relevant et que rayent les lignes lointaines des troupes tombées sur place. Eylau qui brûle éclaire la scène de sa torche sinistre.

Dans les Pestiférés de Jaffa, Gros n’a pas craint d’aborder l’horrible, cet effroi de l’art antique. Étrange sujet en ce siècle de mythologie et d’histoire choisie qu’un hôpital encombré de malades, de mourants et de morts ! L’artiste a résolu ce problème d’une façon triomphante. Il existe une première