Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/34

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statue de Diane, à la place même qu’occupait autrefois une table recouverte d’une peinture, notre premier mouvement est toujours d’aller contempler, avant toute choses, la Joconde de Léonard de Vinci, le miracle de la peinture, l’œuvre où, selon nous, l’art a le plus approché de la perfection.
Notre admiration et notre amour pour cette divine Monna Lisa del Giocondo ne datent pas d’hier, et bien des passions pour des êtres réels ont duré moins longtemps. Il y a une douzaine d’années que nous écrivions ces lignes un peu trop enthousiastes peut-être, mais qui rendent fidèlement notre impression :
« La Joconde ! Sphinx de beauté (qui souris si mystérieusement dans le cadre de Léonard de Vinci et sembles proposer à l’admiration des siècles une énigme qu’ils n’ont pas encore résolue, un attrait invincible ramène toujours vers toi ! Oh ! en effet, qui n’est resté accoudé de longues heures devant cette tête baignée de demi-teintes crépusculaires, enveloppée de crêpes transparents et dont les traits, mélodieusement noyés dans une vapeur violette , apparaissent comme une création du Rêve à travers la gaze noire du Sommeil ? De quelle planète est tombé, au milieu d’un paysage d’azur, cet être étrange avec son regard qui promet des voluptés inconnues et son expression divinement ironique ? Léonard de Vinci imprime à ses figures un tel cachet de supériorité, qu'on se sent troublé en leur présence. Les pénombres de leurs yeux profonds cachent des secrets interdits aux profanes, et les inflexions de