Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/37

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a toutes les grâces de l’enfance, que nul ne sut rendre comme Léonard de Vinci. Et cette scène d’une cordialité si humaine, si familiale et si tendre, tout en restant divine, se passe au milieu d’une belle et riante campagne aux lointains azurés et bordés de ces montagnes bleuâtres dont Léonard de Vinci aimait les anfractuosités et les déchirures bizarres. Le coloris de ce merveilleux tableau n’a pas poussé au noir, comme les autres toiles de l’artiste, il est resté blond, ambré et d’une vaghezza délicieuse.
Léonard de Vinci est le peintre rare, délicat, fin jusqu’à la subtilité, plein d’une grâce mystérieuse qui plaît surtout aux raffinés ; mais quand il le veut, il est grand, noble, profond, pathétique, comme le prouve sa sublime fresque de la Cène, hélas ! à demi effacée, ombre d’un chef-d’œuvre qui fait pâlir tous les chefs-d’œuvre. Étonnante organisation, Léonard savait tout, devinait tout ; il était peintre, sculpteur, architecte, ingénieur, musicien, poète. Et dans ses manuscrits, écrits à l’envers, car toujours une pointe de singularité se mêle aux actions de Léonard, la plupart des découvertes modernes se trouvent pressenties ; de ces esprits encyclopédiques de la Renaissance, il fut un des premiers et resta le plus grand. Le Musée possède encore quatre tableaux de ce divin maître que nous allons retrouver tout à l’heure.
Après Léonard, on ne peut parler que de Raphaël : lui seul est assez pur, assez noble, assez élevé pour que la transition ne soit pas brusque. Bien que sa vie ait été trop courte, Raphaël a parcouru tout le cycle de l’art. Ses trois manières résument toutes