Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/38

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les phases possibles de la peinture. Il part du Pérugin avec le Sposalizio, et arrive presque à Lebrun avec la Bataille de Constantin. De la naïveté gothique il parvient, en quelques années, à ce faite de l’art, à cette perfection absolue après laquelle il n’y a plus que décadence. Sans doute, Raphaël fut merveilleusement doué. Il eut le génie, la beauté, le bonheur, un caractère aimable et charmant qui rendait tout aisé. Mais sa qualité suprême, c’était l’harmonie résultant de la facilité qu'il avait de fondre dans son talent tout ce qui lui semblait beau avec une justesse de proportion étonnante. Quelques salles des bains de Titus, quelques statues découvertes lui donnèrent le sens de l’antiquité, qu’il s’appropria sans le moindre effort. Une portière soulevée par Bramante dans la Sixtine lui suffit pour ajouter à sa grâce naturelle la fierté et la vigueur de Michel-Ange.
Saint Michel terrassant le démon occupe à l’angle du salon, sur un panneau encadré d’ébène, une place qu’on pourrait regarder comme une place d’honneur, s’il y en avait dans une tribune où chaque toile est un chef-d’œuvre. Cette composition si simple et si belle montre combien Raphaël était naturellement sublime et comme d’un essor facile il arrivait aux plus hautes sublimités de l’art. L’Archange guerrier, recouvert d’une cuirasse de fer et d’or pour rendre sensible aux yeux sa puissance, car il n’a pas besoin d’armure, descend des régions célestes les ailes à demi ouvertes comme un oiseau qui va s’abattre ; son l’écharpe vole derrière lui à plis palpitants et même cette écharpe a trois bouts, sin-