Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/40

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Un tableau que Raphaël peignit à la même époque et qui était destiné à la reine, comme le Saint Michel était destiné à François Ier, ne lui cède pas en beauté. C’est la Sainte Famille. Raphaël, alors arrivé à l’apogée de son talent, n’a rien produit de plus parfait ; la peinture n’est pas allée au delà, et il est douteux qu’elle puisse jamais dépasser cette limite suprême, où les moyens humains font défaut au génie pour exprimer un idéal supérieur.
Toute la composition est équilibrée sur un rythme savant, harmonieux comme de la musique, et les lignes s’y combinent, s’y répondent en formant les plus heureuses oppositions. La beauté du dessin , la noblesse des types, la pureté des contours, le beau jet et le grand goût des draperies n’ont rien à envier à la statuaire grecque. Dans ce chef-d’œuvre, le spiritualisme chrétien idéalise la perfection plastique. Ce ne sont pas seulement de beaux corps que nous avons sous les yeux, ce sont des âmes célestes. Raphaël les créait à son image.
L’enfant Jésus s’élance de son berceau dans les bras de la Vierge assise à droite et penchée vers lui avec une gracieuse complaisance maternelle. Saint Jean, présenté par sainte Elisabeth assise à gauche, adore l’enfant-Dieu. Un ange, d’une élégance divine, répand des fleurs sur la Vierge comme pour se conformer au vers de Virgile : « Manibus date lilia plenis. » Un second ange se prosterne, et saint Joseph regarde cette scène d'un air majestueux et tranquille.
Personne n’a su comme Raphaël donner à la mère