Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/41

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de Jésus cette beauté à la fois idéale et réelle, virginale et féminine , cette pureté de regard , ce sourire charmant qui est le sourire de l’âme, plus encore que celui des lèvres. Il a fixé à jamais le type de la Madone, et c’est toujours avec les traits d’une Vierge de Raphaël que l’idée de « Marie pleine de grâce » se présente au dévot, au poète, à l’artiste. Il lui a ôté la tristesse, la souffrance et la laideur du moyen âge ; il l’a revêtue de toutes les délicieuses perfections que lui prêtent les litanies : Étoile du matin, Rose mystique, Porte d’ivoire, et il en fait l’idéal de la beauté moderne, comme la Vénus était l’idéal de la beauté antique.
Nous parlons ici de la Madone telle que le peintre d’Urbin la comprenait dans les derniers temps de sa vie, au sommet de sa troisième manière. Dans sa seconde et sa première manière, lorsqu’il se souvient encore des leçons du Pérugin , Raphaël représente la Vierge d’une façon plus naïve, plus timide, non moins charmante, qui se sent encore un peu du style gothique. Il la place dans des paysages ornés de villes et de fabriques qui n’ont rien de commun avec la Judée, et sur le ciel clair, il profite de petits arbres grêles, au feuille sobre et rare. La Belle Jardinière, c’est le nom qu’on donne à cette charmante composition, qui réunit la Vierge, saint Jean et l’enfant Jésus dans un petit cadre cintré par le haut, n’est pas drapée à l’antique comme la Vierge de la Sainte Famille. Elle a un corsage rouge, bordé de noir, comme une simple contadina ; elle est aussi plus jeune fille et moins femme. Ses traits, d’une