Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/43

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nière toute charmante et se ressentant encore de la naïveté de l’art avant la Renaissance. Le Saint Michel combattant un dragon qui s’enroule autour de sa jambe, au milieu de monstres chimériques, de ruines en flammes et de diables torturant des damnés, a l’air, ainsi que le Saint Georges frappant de son cimeterre l'Endriague qu’il a déjà percé de sa lance, d’une merveilleuse miniature détachée d’un roman de chevalerie et représentant un paladin menant à bien une aventure, malgré les maléfices d’un nécromancien. Nous retrouverons Raphaël dans une autre galerie, non moins riche en chefs-d’œuvre que le Salon carré. Le Louvre possède plusieurs cadres authentiques de cet incomparable artiste.
Après la grâce chaste de Raphaël, on peut admirer la grâce voluptueuse du Corrège, qui créa tout un monde charmant de formes ondoyantes, de divins sourires, de lumières argentées, d’ombres transparentes et de reflets magiques. Corrège, s’il n’inventa pas absolument le clair-obscur, en tira du moins des harmonies nouvelles et des effets inconnus. Son entente du raccourci et de la perspective des corps lui permet par l’inattendu des aspects, les courbes imprimées aux lignes, les têtes qui plafonnent ou se penchent en avant, les poses hardiment projetées, de changer l’aspect habituel des figures et des groupes, car ce gracieux, ce délicat, ce tendre est aussi un homme d’une science profonde ; il possède la force comme il possède la grâce, et les Apôtres géants au dôme de Parme sont là pour le prouver. Personne, pas même Michel-Ange, dont le Jugement