Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/52

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bien cher. Paul Véronèse reçut des moines, pour lesquels il l’exécuta, du 6 juin 1562 au 8 septembre 1563, la somme convenue de trois cent vingt-quatre ducats d’argent, outre les dépenses de bouche et un tonneau de vin. Ce qui représente six mille francs à peine à la valeur que l’argent a aujourd’hui. Que diraient de ce prix si modique les artistes modernes, qui ne lâchent pas le plus mince tableautin à moins de quinze ou vingt mille francs, et encore se regardent comme méconnus par un siècle ingrat !
En face des Noces de Cana est placé le Repas chez Simon le pharisien, autre immense toile qui, sans avoir l’importance de la première, n’en est pas moins une magnifique peinture. Outre ces deux repas, Paul Véronèse en peignit encore deux autres : le Repas de Lévi, qui se trouvait placé dans le réfectoire des religieux de Saints-Jean-et-Paul, et le Repas chez Simon le lépreux, pour le réfectoire des religieux de Saint-Sébastien, à Venise. Ces quatre cènes, merveilleuses agapes de la peinture, se rencontrèrent ensemble à Paris, en l’an VII et VIII. Prodigieux spectacle dont on ne voit pas que l’art de cette époque ait beaucoup profité sous le rapport de la couleur.
La Madeleine, prosternée plutôt qu’agenouillée, dans une pose d’amoureuse adoration, essuie, avec son opulente chevelure, d’un blond vénitien, les pieds du Christ, placé à l’angle de la table, et qu’elle vient d’oindre de myrrhe et de cinname. Debout à une autre table, Judas se lève et semble reprocher