Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/59

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beaucoup la foule, mais soyez sûr que tous ceux qui cherchent les secrets de la couleur s’y arrêtent longuement, et, sans pousser le fétichisme comme sir David Wilkie à l’égard de los Borrachos de Velasquez, jusqu’à en étudier un pouce carré seulement chaque jour, en font des pochades, des études, des copies complètes qu’ils gardent sur le mur de leur atelier comme le plus sûr étalon de coloris qu’un artiste puisse consulter. C’est Giorgione, on peut le dire, qui a fuit la palette de Venise. Titien, Bonifazzio, Tintoret, Pâris Bordone, Palma vieux et jeune, Paul Véronèse, les plus illustres et les moins connus, y ont largement puisé.
Il est bien impossible de passer sans s’arrêter devant ce Portrait d'homme vêtu et coiffé de noir, la main appuyée sur un rebord de pierre, et dont la maigre figure, d’une intense pensée et d’une mélancolie profonde, s’encadre de cheveux sombres comme d’une auréole de ténèbres. C’est une peinture fine, inquiétante et mystérieuse, et si parfaite que, n’en connaissant pas l’auteur, on l’attribuait à Raphaël comme au plus digne de signer ce chef-d’œuvre. Maintenant, d’après des recherches qui paraissent concluantes, ce portrait sublime est restitué au Francia ; et, quoique le Francia fût grand admirateur du jeune Raphaël et qu’il lui ait même adressé un charmant sonnet laudatif, son ombre doit cependant être satisfaite de rentrer en possession de cette gloire.
Il y a encore, dans la même salle, de Francia deux précieuses petites toiles : la Nativité et le