Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/61

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n’avons pas à raconter ici les malheurs de cet infortuné grand peintre dont Alfred de Musset a fait un drame si vrai, si humain et si touchant. Décrivons en peu de mots sa Sainte Famille, qui n’est pas un des moindres ornements du Grand Salon. La Vierge, assise à terre vers la gauche du tableau, présente l’enfant Jésus à sainte Elisabeth. Le jeune saint Jean, retenu par sa mère, est debout et lève sa main vers le ciel. Deux anges, dans une attitude de tendre adoration, se tiennent derrière la Vierge. Le dessin de cette belle composition a toute l'élégance florentine sans aller jusqu’au maniérisme tourmenté des lignes que n’évite pas toujours Michel-Ange lui-même. Les contours, enveloppés dans une pâte riche et chaude, ne se cernent pas et ne s'arrêtent pas durement ; et, quoique le groupe présente des recherches d’eurythmie, il ne se durcit pas en poses sculpturales. Chose singulière, ce peintre si malheureux en réalité donne à ses figures un air de bonheur candide et de bonté naïve ; une sorte de joie innocente retrousse le coin de leurs lèvres, et elles rayonnent illuminées d’une sérénité douce dans l’atmosphère tiède et colorée dont l’artiste les entoure. On peint son rêve et non sa vie.
Il est dans l’art des paresseux sublimes qui, après avoir atteint la perfection, semblent la dédaigner comme trop facile et ne travaillent plus. Il leur a suffi de prouver leur force et de la faire reconnaître aux autres par un petit nombre de chefs-d’œuvre. Sébastien del Piombo est de ceux-là. Il fit quelques tableaux admirables et montra un tel talent que Mi-