Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/62

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chel-Ange crut, en l’aidant de ses conseils, et parfois, dit-on, de ses dessins, pouvoir en faire un rival opposable à Raphaël. Cette idée n’étonne pas quand on voit la Visitation de la Vierge du Louvre. Quelle pureté, quelle noblesse et quel style dans cette Vierge voilant de sa draperie sa maternité qui s’accuse et s’avançant vers sainte Élisabeth, cette autre mère miraculeuse, qui vient à la rencontre de Marie avec une déférence admirative et tendre ! Si Michel-Ange était coloriste, c’est ainsi qu’il peindrait.

N’oublions pas Bernardo Luini, dont les tableaux ont eu souvent l’honneur d’être attribués à Léonard de Vinci, dont cependant rien ne prouve qu’il ait été l’élève direct. Mais les disciples des grands maîtres ne sont pas toujours dans leur école ; l’étude admirative et passionnée en apprend parfois autant que les leçons. On se tromperait d’ailleurs en ne voyant dans Luini qu’un reflet de Léonard. Il a son originalité propre, son accent particulier, sa manière mystérieuse et douce, ses types de prédilection, sa spécialité d’idéal qui le font aisément reconnaître aux regards un peu attentifs à travers ces ombres moelleusement dégradées et profondes qu’il emprunte au Vinci. Luini a, dans le Grand Salon, une Salomé, fille d’Hérodiade, recevant dans un bassin la tête de saint Jean que lui présente un bourreau dont on ne voit que le bras coupé par la bordure. Cette main tendant cette tête et sortant mystérieusement de l’ombre produit un effet étrange et sinistre qui rend plus saisissante encore la perfection indifférente de l’exécution. Salomé, splendidement vêtue, la tête