Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/66

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des cheveux dont le brun semble pénétré de soleil, la lumière du front et du nez, le travail étonnant de la brosse qui , avec son martelage , rend le grain de la peau et la solidité de la chair, font de ce portrait un des chefs-d’œuvre de l’art, une peinture sans rivale. Titien lui-même n’a pas cette force profonde de couleur et cette intensité de lumière. Son ambre pâlit un peu à côté de cet or.
Non loin de là se trouve la Femme hydropique de Gérard Dow, une précieuse peinture à couvrir de billets de banque, un chef-d’œuvre dans son genre, une merveille de fini, de délicatesse et de propreté. Jamais la soigneuse Hollande n’a mieux épousseté la nature que dans ce tableau ; mais la patience ne vaut pas le génie, et pour lui rendre la justice qu’elle mérite, il faut regarder la Femme hydropique avant le Portrait de Femme de Rembrandt.
Regardez avec attention cette Vierge de Van Eyck, l’inventeur de la peinture à l’huile, ce procédé qui a transformé l’art pour ainsi dire, et vous serez tout d’abord frappé de l’étonnante conservation de ce tableau, âgé de plus de quatre siècles. Il est parfaitement intact et semble, à la fraîcheur de ses teintes, avoir quitté d’hier l’atelier de l’artiste. Chose qui paraît contraire à la logique, plus une peinture est ancienne, plus elle a gardé ses couleurs primitives. On croirait que le perfectionnement des sciences chimiques devrait avoir mis à la disposition des peintres des couleurs plus solides, il n’en est rien. Ces braves artistes, presque artisans, qui broyaient eux-mêmes leurs couleurs , en savaient là-dessus