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ÉGYPTE.

Auguste Marc nous découpa complaisamment les mets sur notre assiette et nous servit du bras gauche, ce jour-là comme dans tout le reste du voyage, avec une fidélité et une patience qui ne se démentirent jamais. Cette position de manchot temporaire nous fit découvrir que la main droite n’était au fond qu’une intrigante, une faiseuse d’embarras, qui prenait toute la gloire pour elle et reléguait injustement dans l’ombre son humble sœur, dont la désignation même est une sorte d’injure. La main droite ne peut presque rien faire sans l’aide de la main gauche ; réduite à elle seule, elle est comme paralysée. Elle ressemble à ces dramaturges célèbres dont le nom s’inscrit en grosses lettres sur l’affiche, tandis qu’on omet celui de l’obscur collaborateur qui a fait en réalité les trois quarts de la besogne.

L’on pourrait encore comparer les rôles des deux mains à ceux de Marthe et de Marie dans l’Évangile. Marie verse des parfums sur les pieds du Seigneur, Marthe vaque au soins du ménage, et, quoique Jésus ait dit que