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L’ORIENT.

cafetan bleu, les faisait avancer et transmettait aux cochers les ordres des voyageurs. Là aussi stationnait le bataillon des âniers, avec leurs bêtes à longues oreilles. On dit qu’on ne compte pas moins de quatre-vingt mille ânes au Caire. Nous écrivons ânes et non pas âmes ; il ne faut pas équivoquer là-dessus comme le médecin Roudibilis dans Rabelais ; les âmes sont beaucoup plus nombreuses, la ville ayant trois cent mille habitants. Mais ce chiffre de baudets ne paraît pas exagéré. Il y en a sur toutes les places, à tous les coins des hôtels, autour de toutes les mosquées, et, dans les endroits les plus déserts, il sort subitement de derrière un pan de mur un ânier et son bourriquet pour se mettre à votre disposition.

Ces ânes sont fort gentils, très-vifs et d’humeur gaie. Ils n’ont pas cette mine piteuse et cet air de résignation mélancolique des ânes de nos pays, mal nourris, roués de coups et méprisés. On sent qu’ils s’estiment autant que les autres bêtes et ne sont pas en butte toute la journée à des sarcasmes ineptes. Ils