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LE FAYOUM, LE SINAÏ ET PÉTRA.

si bien exprimé ? C’est qu’il est difficile d’abstraire son esprit du sentiment qui occupe votre âme. On peut oublier une victoire, mais une défaite ! Ce noir souvenir voltige devant nos yeux comme une chauve-souris sous un ciel crépusculaire. Parfois nous croyons l’avoir chassé, mais il a de brusques retours, et son aile s’interpose de nouveau entre nous et ce spectacle des choses.

II

On ne pourra pas accuser aujourd’hui la nature, comme elle le fait bien souvent, d’insulter à notre deuil par des splendeurs intempestives. Le ciel fond en eau, la terre se délaye en boue, des rafales de pluie cinglent les vitres poussées par la tempête qui fait s’entre-choquer avec un bruit d’océan les cimes des grands arbres du parc. Le vent erre dans les corridors, et sa plainte ressemble à une lamentation humaine.

Rien ne dérange ni n’agace notre sombre mélancolie.