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ÉGYPTE ANCIENNE.

Aucune nation, on peut le dire, n’eut au même degré la préoccupation de la mort que l’ancienne Égypte ; aussi devait-elle tenir la première et la plus grande place dans un ouvrage du genre de celui que nous analysons. C’est un spectacle étrange que ce peuple préparant sa tombe dès le berceau, ne voulant pas rendre sa poussière aux éléments, et luttant contre la destruction avec une invincible opiniâtreté. Comme les couches de limon du Nil s’ajoutent les unes aux autres depuis une insondable antiquité, ainsi les générations de l’Égypte, se rangent en ordre au fond des syringes, des hypogées, des pyramides, des nécropoles, avec leurs formes intactes, que le ver du sépulcre n’ose attaquer, repoussé par les acres parfums du bitume. Sans les sacrilèges dévastations des hommes, ce peuple mort se retrouverait tout entier, et ses innombrables multitudes pourraient couvrir la terre ; l’imagination effrayée recule devant la supputation des chiffres probables ; si la civilisation égyptienne eût duré dix siècles de plus, les morts