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ÉGYPTE ANCIENNE.

épris de cet art que l’idéal grec, qui pourtant lui doit plus d’une leçon, nous fait trop mépriser. Il a compris en peintre et en statuaire cette beauté si différente de la nôtre et cependant si réelle.

Hathor, la Vénus égyptienne, lui paraît aussi belle que la Vénus de Milo. Sans partager tout à fait ce sentiment, nous aimons beaucoup ce dessin si pur, si fin, si svelte et d’un mouvement si juste. Malgré la contrainte hiératique qui ne permettait pas de varier les attitudes sacramentelles, l’art se fait jour en plus d’un endroit. Ces têtes au délicat profil, aux grands yeux allongés d’antimoine, ces bouches un peu épaisses que plisse une petite moue rêveuse ou un sourire vague comme celui des sphinx, ces joues arrondies contre lesquelles frissonnent de larges disques d’or, ces fronts ombragés par la fleur du lotus, ces tempes encadrées par les cordelettes de la chevelure saupoudrée de poudre bleue dans les processions funéraires, ont une beauté d’un charme étrange et pénétrant, en dehors de nos habitudes, et que personne n’a