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SALAMMBÔ.

rivalités, et, montant les degrés de l’autel, ce qui équivaut à s’offrir en holocauste au dieu, si la parole n’est pas tenue, le suffète prend sur lui le salut de Carthage.

Quoiqu’il affecte un air impassible, un mot envenimé a fait plaie dans son cœur. À travers les sifflements de l’envie aux abois, le nom de Salammbô, le nom sacré de sa fille, a été prononcé avec des ricanements grossiers, des allusions obscènes. Un homme a été vu sortant le matin du palais d"Hamilcar, rayonnant et drapé du Zaïmph. La timide vierge choisit ses amants parmi les Mercenaires. De retour à son palais, il prend l’émotion de Salammbô, qui vient devant lui toute frissonnante encore d’horreur à l’idée du sacrilège commis, pour l’aveu tacite de la faute. Il la foudroie d’un geste terrible, mais il ne dit rien : sa fière paternité ne veut savoir aucun détail. Par un puissant effort sur lui-même, il se calme soudain, et comme chez les Carthaginois même un héros contient un marchand, Hamilcar appelle ses intendants, ses capitaines au long cours ; il