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SALAMMBÔ.

un des corps d’armée des barbares dans le défilé de la Hache, une espèce d’entonnoir muré de rochers à pic où il les enferme et les laisse se manger entre eux. Hannon a moins de chance avec Mathô, qui le bat, le fait prisonnier et l’attache à une croix, dont les clous ont grande peine à retenir suspendues ses chairs flasques et pourries. Le supplice du vieux suffète est vengé en même temps qu’il s’accomplit, car de l’autre côté de Tunis qui lui masque le gibet d’Hannon, Hamilcar fait mettre en croix les dix chefs mercenaires qu’il a retenus comme otages, et parmi lesquels se trouve Spendius, qui retrouve du courage pour mourir. Seul, Mathô tient encore, et, dans l’ennui d’une situation si horrible, dévoré par le souvenir de Salammbô, il accepte, pour abréger une agonie qu’il pourrait peut-être prolonger, une décisive et suprême bataille. Après tant de combats, on pourrait croire M. Gustave Flaubert fatigué de sang et de carnage : il n’en est rien. Cette dernière tuerie, où les combattants avant brisé leurs armes se mordent