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L’ORIENT.

au visage comme des chiens, étincelle de beautés affreuses. On en suit les poignantes péripéties avec une anxieuse horreur.

Enfin Carthage a vaincu. De tous les Mercenaires, il ne reste plus que Mathô, dont la mort, qu’il cherche, semble ne pas vouloir. Fait prisonnier, il est livré à la populace de Carthage, qui le déchiquète à coups d’ongles, car il a été défendu d’employer plus de trois doigts pour le frapper, et il vient mourir, masse rouge qui n’a plus d’humain que le regard, devant la terrasse où se célèbrent avec pompe, comme une fête nationale, les noces du roi des Numides et de Salammbô. Dès que Mathô est tombé, l’eunuque Schahabarim se précipite sur le cadavre, lui ouvre la poitrine, en tire le cœur, le pose sur une cuiller d’or, et en offre la chaude fumée au soleil couchant. À ce spectacle qui fait rugir Carthage d’une joie titanique, la fille d’Hamilcar pâlit, ses yeux se ferment, son corps s’affaisse sur le bras de Narr’Havas. Elle a compris qu’elle aimait Mathô, et son âme le suit. Ainsi finissent le sacrilége et