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LE SAHARA.

rien vu de plus simple que le tableau qui se déroulait.

« Nos tentes, très-vastes, et, soit dit en passant, déjà rayées de rouge et de noir, comme dans le Sud, occupaient la largeur d’un petit plateau nu au bord d’une rivière. Elles étaient ouvertes, et les portes, relevées par deux bâtons, formaient sur le terrain fauve et pelé deux carrés d’ombres, les seules qu’il y eût dans toute l’étendue de cet horizon accablé de lumière, et sur lequel un ciel à demi voilé répandait comme une pluie d’or pâle. Debout, dans cette ombre grise, et dominant tout le paysage de leur longue taille, Si-Djilali, son frère et leur vieux père, tous trois vêtus de noir, assistaient en silence au repas. Derrière eux, et en plein soleil, se tenait un cercle de gens accroupis, grandes figures d’un blanc sale, sans plis, sans voix, sans geste, avec des yeux clignotants sous l’éclat du jour, et qu’on eût dit fermés : des serviteurs, vêtus de blanc comme eux, allaient sans bruit de la tente aux cuisines, dont on voyait la fumée s’élever en deux colonnes onduleuses au