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L’ORIENT.

dille d’arbuste, parmi ces pierres difformes semblables à des scories monstrueuses ; au-dessus, à une grande hauteur, passent des volées de corbeaux, tournent des cercles d’aigles bruns et piaulent les gypaëtes au milieu d’un silence de mort.

Devant les voyageurs, l’horizon s’étend, immense, indéfini ; une plaine de vingt-cinq lieues, plate, ou du moins sans ondulations appréciables, se déroule vague comme la mer en se confondant avec le ciel par des demi-teintes incertaines ; — le vert douteux de la végétation déjà brûlée rend la ressemblance encore plus frappante. Au bout de deux jours de marche dans ce pays désolé, nos pèlerins font halte auprès d’une eau stagnante et jaunâtre sur laquelle se penchaient, tendant le col et faisant gros dos, une compagnie de vautours qu’il fallut effrayer d’un coup de fusil pour leur faire céder la place. La tristesse de la contrée inspire à notre jeune artiste cette belle page mélancolique :

« Était-ce fatigue ? était-ce un effet du