Page:Gautier - L’Orient, tome 2, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
LE SAHARA.

lieu ? je ne sais ; mais cette journée-là fut longue et sérieuse, et nous la passâmes presque tous à dormir sous la tente. Ce premier aspect d’un pays désert m’avait plongé dans un singulier abattement. Ce n’était pas l’impression d’un beau pays frappé de mort et condamné par le soleil à demeurer stérile. C’était une grande chose sans forme, presque sans couleur, le rien, le vide, et comme un oubli du bon Dieu : des lignes fuyantes, des ondulations indécises ; derrière, au delà, partout, la même couverture d’un vert pâle étendue sur la terre ; çà et là des taches ou plus vertes, ou plus grises, ou plus jaunes ; d’un côté les Seba’ Rous à peine éclairées par un pâle soleil couchant ; de l’autre, les hautes montagnes du Tell, encore plus effacées dans les brumes incolores, et là-dessus un ciel balayé, brouillé, soucieux, plein de pâleurs fades, d’où le soleil se retirait sans pompe et comme avec de froids sourires. Seul, au milieu du silence profond, un vent doux qui venait du nord-ouest et nous amenait lentement un orage, formait de légers murmures