Page:Gautier - L’Orient, tome 2, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
L’ORIENT.

jets sans se diminuer et ne s’éteint pas lorsqu’ils disparaissent. Elle les éclaire, mais n’en fait pas partie. Ce retour à la Divinité peut se hâter par l’extase ou l’ivresse qui vous sépare des choses, comme la mort. Arrivé à ce degré, le soufi ne pèche plus, il n’y a plus pour lui ni bien ni mal. L’absolu n’admet pas de relativité, et l’Éternel, lorsqu’il écrivait le monde sur la tablette de la création, n’a rien loué ni blâmé. C’est là, certes, une doctrine dangereuse, et il ne faut pas s’étonner que la secte des soufis ait été en butte à de nombreuses persécutions. Dans les quatrains de Kèyam, le vin, selon les commentateurs, signifie la Divinité, et l’ivrognerie, l’amour divin. Cependant il nous semble difficile d’expliquer d’une manière mystique les vers suivants : « Je veux boire tant et tant de vin que l’odeur puisse en sortir de terre quand j’y serai rentré, et que les buveurs à moitié ivres de la veille qui viendront visiter ma tombe puissent, par l’effet seul de cette odeur, tomber ivres morts. » Cela ressemble à un vœu bachique de maître Adam, exa-