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POÉSIE PERSANE.

géré jusqu’à l’ampleur orientale, plutôt qu’à l’invitation d’un sage appelant ses disciples pour recueillir sa doctrine.

En d’autres endroits la pensée de l’inanité de la vie se traduit chez Kèyam avec une grâce étrange et une énergie singulière : « Cette cruche a été comme moi une créature aimante et malheureuse ; elle a soupiré après une mèche de cheveux de quelque jeune beauté. Cette anse que tu vois attachée à son col était un bras amoureux passé au cou d’une belle. » Écoutez encore cet autre quatrain d’un charme si mélancolique et si pénétrant : « Bien que ma personne soit belle, que le parfum qui s’en exhale soit agréable, que le teint de ma figure rivalise avec celui de la tulipe et que ma taille soit élancée comme celle d’un cyprès, il ne m’a pas été démontré cependant pourquoi mon céleste peintre a daigné m’ébaucher sur cette terre. » Dans cet autre quatrain, ce que les philosophes appellent « la tolérance » est exprimé avec une largeur de vue sans pareille. Nathan le Sage, de Lessing, n’aurait pas mieux parlé :