Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/120

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pieds et m’offrit ses trésors. Pourtant cette résurrection n’avait rien de magique. Je suis plus avancé que d’autres dans la science de la nature, voilà tout.

— Est-il possible que tu sois si au-dessus des hommes et que tu aies si peu d’orgueil ! Ah ! parle ! dis-moi ma destinée.

— Je ne te dirai pas tout l’avenir, mon fils ; à quoi bon déflorer le livre que tu vas lire ?… Tu es ambitieux et tu as raison de l’être, étant digne de ce que tu convoites. Ce soir même tu feras le premier pas dans le chemin qui te conduira au but que tu désires. Mais si tu veux réaliser ton rêve le plus cher, écoute mes paroles et ne les oublie pas.

— Je vous écoute avec confiance et respect.

— Sans rien savoir de la magie, tu dois être magicien. C’est avec une force imaginaire que tu dois combattre l’illusion. Retiens cela. Ta destinée m’intéresse ; je te reverrai.

Après ces mots le fakir s’éloigna rapidement et se perdit dans la foule.

Le marquis alla s’asseoir sur un banc de marbre, les oreilles bourdonnantes, le cœur agité d’un mouvement précipité. Certes, il ne croyait pas au merveilleux et cette impression s’effacerait, mais, pour l’instant, il était bouleversé.

Il ne s’était pas aperçu, tant il était absorbé, que le guerrier musulman, qui n’avait pas cessé de le suivre, s’était assis, non loin de lui, sur le banc. L’étranger le considéra longtemps en silence et comme Bussy, les regards rivés au sol, se croyait toujours seul, il lui toucha doucement le bras.