Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/223

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Elle semblait, cette fois, une statue merveilleuse, dans le blanc tissu d’une invraisemblable finesse, qui s’enroulait à son corps. Cette trame, nommée « rosée nocturne », si ténue qu’elle est invisible si elle n’est pas plusieurs fois repliée, laissant nue une de ses épaules, l’habillait comme d’un fin brouillard, voilant ses formes exquises sans les cacher ; des boucles s’échappaient du bandeau de diamants qui relevait simplement ses cheveux, et elle n’avait d’autres bijoux que des bagues aux mains, et à ses pieds nus.

Il s’était avancé, lentement, la contemplait d’un regard si avide qu’elle baissa les yeux, et une imperceptible rougeur passa sur ses joues.

Le panneau s’était refermé ; ils étaient seuls dans ce grand silence, et elle semblait oppressée ; elle jeta un rapide coup d’œil autour d’elle. Il pensa qu’elle avait peur d’être ainsi à sa merci ; alors il se mit à ses pieds, la suppliant de ne rien craindre, et elle se laissa tomber sur l’amoncellement des coussins.

Elle le regardait aussi, baissant la tête vers lui, l’éloignant d’elle de ses bras tendus, pour le mieux voir peut-être, ou bien pour le repousser. Il crut à un mouvement d’aversion.

— Ah ! sois généreuse, s’écria-t-il, et cache-moi ta haine ; libère-toi en reine et, au moins, donne-moi une minute d’illusion. Je ne veux pas tes lèvres, froides et hostiles, s’approchant des miennes comme d’un breuvage amer, qu’il faut boire pour sauver sa vie ; non, c’est un baiser d’amour que je veux, ou je ne sais pas payé. Sache me faire croire que tu t’es méprise sur tes sentiments, que cette ardeur, que tu