Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/296

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— Ah ! ma Lila bien-aimée, dit la reine en embrassant son amie, que ne donnerais-je pas pour te guérir !

— Écoute, accorde-moi une grâce. Éloigne ta suite, tout à l’heure, et dirigeons-nous vers le bosquet d’asoka, qui abrite une statue du dieu de l’amour.

— Comment ! voudrais-tu lui porter des offrandes et délaisser Ganesa, ton seul dieu ? Impie, qui ne croit qu’à la sagesse !

— La sagesse enseigne que personne n’échappe à Kama-Deva, et ne faut-il pas implorer et attendrir celui qui vous tient en son pouvoir ?

— Soit, nous irons au bosquet d’asoka.

Depuis longtemps on était entré dans la forêt ; toutes les femmes levaient la tête, en poussant des cris de surprise et d’admiration, devant l’invraisemblable splendeur qu’elle déployait, dans son éphémère parure de fleurs. Des fleurs ! partout des fleurs, rien que des fleurs ! Les arbres trop chargés semblaient les secouer, il en pleuvait, le sol en était couvert, et le parfum était si fort qu’il endormait les éléphants. C’était une folie, un gaspillage, un miracle du printemps.

Bientôt la reine donna ordre de s’arrêter. On rangea les montures en cercle ; tout le monde descendit, et les princesses, par groupes, s’éparpillèrent joyeusement à travers le bois, tandis qu’Ourvaci, faisant signe qu’on la laissât seule, s’éloignait avec Lila.

Au moment où elles s’engageaient dans le sentier du bosquet d’asoka, un homme, tout haletant, qui n’osait pas s’approcher par respect pour la reine, fit un signe à la princesse. En l’apercevant, Lila poussa un cri.