Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/308

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s’est élancé sur les rebelles, et le sort des armes lui a été fatal ; la pointe d’une javeline, lancée par le nabab de Kanoul, lui perçant le crâne, l’a tué raide.

Le roi venait d’être vengé par les Français, tous les nababs étaient morts et leurs partisans taillés en pièces ; mais l’œuvre, si laborieusement édifiée, s’effondrait subitement, la France n’avait plus aucune raison de s’entremettre dans les affaires du Dekan. Tout ce beau rêve était fini ; avant même d’avoir atteint la capitale, le roi qu’on escortait n’était plus qu’un cadavre.

Bussy, plein de rage et de douleur, las de la furieuse bataille, dont il était encore haletant, demeurait écrasé, étourdi, sous la brutalité de ce malheur irréparable.

Irréparable ! l’était-il vraiment ? n’y avait-il aucune issue ? Bussy ne voulait pas l’admettre.

N’était-ce pas bien le moment de montrer, par un trait de génie, qu’il méritait la confiance que le gouverneur avait mise en lui ?

Et il restait là le front baissé, mordant ses lèvres nerveusement, le regard fixé, sans voir, sur un point du sol, tandis que son épée, qu’il tenait toujours, lentement s’égouttait sur le tapis.

Tout à coup il se leva d’un bond, jetant loin de lui l’arme sanglante.

— Ah ! non, non, pas cela ! je ne veux pas ! s’écria-t-il, le sacrifice serait trop cruel !

Pourtant il s’arrêta, les yeux élargis, comme épouvanté, se reployant dans la pensée qu’il aurait voulu chasser.