Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/377

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venimeux ! Pourquoi ne pas employer contre lui les armes dont il se sert si bien ?

— Parle plus bas, dit Lila en regardant autour d’elle avec inquiétude ; tuer un brahmane est un crime auquel on n’ose même pas songer ; d’ailleurs, la reine, déchirée de remords à cause du mal que le ministre lui a fait commettre, à elle qui pleurerait la mort d’un papillon, ne consentirait pas, pour sauver sa propre vie, à faire verser une goutte de sang de plus ; elle est superstitieuse, d’ailleurs, elle croit au merveilleux et à la puissance des brahmanes. Panch-Anan n’a pas encore perdu toute influence sur elle.

— Que faire donc ? comment délivrer le monde d’un pareil misérable ?

— J’ai écrit, pour lui demander conseil, au grand vizir Rugoonat-Dat ; sa réponse ne peut tarder. En attendant, veillons. Le danger, d’ailleurs, n’est pas immédiat ; l’ambassadeur est sacré et personne, pas même Panch-Anan, n’oserait rien entreprendre contre lui tant qu’il est dans le royaume.

Pendant que ces cœurs fidèles s’inquiétaient de l’avenir, les deux beaux archers, tout au présent, bondissaient dans la fraîche avenue, faisant assaut d’adresse, se portant des défis. Le marquis, si habile tireur, après quelques flèches perdues et quelques fleurs mises en pièces, était vite parvenu à soutenir brillamment la lutte ; et quand elle cessa, les carquois, étaient vides et les corbeilles emplies.

Bussy et la reine s’arrêtèrent souriants, et Ourvaci chercha des yeux ses compagnons qui apparaissaient tout au loin, s’avançant au pas.