Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/413

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qu’il se survivait, et que, subitement, la flamme de sa jeunesse s’était éteinte.

Il promena sur ses amis un regard dont l’expression leur serra le cœur.

— Si vous m’aimez encore, malgré mon abaissement, vous, mes fidèles, dit-il, ne me parlez jamais de Bangalore, et éloignez de moi tout ce qui pourrait me rappeler ce lieu maudit.

— Mon maître !… s’écria Naïk en se précipitant à ses pieds.

Mais le marquis le repoussa, avec une douceur glacée.

— Donne-moi de quoi écrire, dit-il.

Et il écrivit, très posément, une courte lettre.

— Mes amis, dit-il d’une voix grave, lorsqu’elle fut fermée et scellée de son sceau, je demande, au gouverneur de l’Inde, la main de Mademoiselle Chonchon. Je veux voir s’il me jugera encore digne d’être son gendre, ou si, à ses yeux, la honte des derniers jours efface toutes mes victoires.

— Ô père ! dit tout bas Arslan à Sata-Nanda, qui, le menton entre les genoux, regardait d’un air impassible, toi si puissant, toi qui sais tout, le laisseras-tu creuser un tel abîme entre lui et le bonheur ?

— Gagnez le messager qui doit porter cette lettre, et qu’il ne la porte pas, dit le fakir à demi-voix.

En attendant la réponse de Dupleix, le marquis passait ses journées à faire des armes avec Arslan-Khan. De sa maladie, un tremblement lui restait dans le bras droit, qui le désolait. À force d’exercice pour-