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le second rang du collier

rendre les coups, pour avertir le passant qu’il vous avait heurté, ce qu’il feignait d’ignorer jusque-là. Ces représailles n’étaient pas très aisées, car les coupables marchaient si vite qu’ils étaient tout de suite hors de vue. Cependant, sans être bien sûre que M. Wyld ne s’était pas moqué de moi, je tenais à exercer ma vengeance, et souvent on me voyait me mettre à courir à la poursuite d’un monsieur à qui j’allongeais un grand coup de poing dans le dos. Je n’étais pas très rassurée, la première fois que j’accomplis cette prouesse. Mais l’anglais, comme on me l’avait annoncé, se retourna et me dit poliment :

I beg your pardon.

Et je fus convaincue que le procédé était bon.

Nous étions très intéressés par les industries de la rue. La mendicité est interdite à Londres ; mais la rue appartient à tout le monde (pas le trottoir). Aussi les mendiants sont-ils censés faire un métier : de petits garçons se précipitent sur vous, mais sans quitter la chaussée, et, de force, vous cirent vos souliers ; ou bien ils balayent avec frénésie votre chemin, vous empêchant de marcher. Les compagnies de faux nègres, vêtus de coutil rose et blanc et exécutant de bizarres musiques, qui déambulent par la ville, suivies d’un public sympathique, nous semblaient surtout très originales.

Une fois, à Penton Square, pendant le déjeuner, nous entendîmes une aubade exécutée sous nos