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le second rang du collier

riétés. Mohsin-Khan raconta, qu’en Perse, le parfum des roses était beaucoup plus violent et que, dans toutes les maisons, on recueillait les pétales pour en extraire la précieuse essence. Un jour, de jeunes folles, par jeu, l’avaient entièrement enseveli sous une jonchée odorante, si bien qu’il avait failli mourir : il s’était complètement évanoui et on eut grand’peine à le ranimer.

Théophile Gautier marchait auprès de Marguerite, qui l’avait tout à fait conquis ; à un moment, il resta en arrière et s’adossa à un arbre, puis reprit sa promenade plus lentement. Je devinais à son sourcil froncé, à ses pas distraits, que le loisir de cette belle journée lui inspirait quelque poème.

Bientôt on annonça le dîner. Dardenne de la Grangerie avait surveillé la disposition du couvert : n’aimant pas beaucoup, à cause de sa corpulence, à s’asseoir par terre pour manger, il était parvenu à découvrir l’habitation des gardiens de l’île, dissimulée je ne sais où, et à obtenir d’eux une petite table et quelques chaises. Mon père, ma mère et Marguerite y prirent place avec lui, tandis que les autres s’allongeaient sur les tapis de Perse étendus alentour.

Le soleil couchant nous criblait de rayons, qui faisaient étinceler les vaisselles, posées de travers, et alluma du même coup la gaieté des convives. Des mets variés circulaient, un peu au hasard, sans qu’il fût possible de leur conserver l’ordre prescrit.