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le second rang du collier

petit nez qu’on prendrait pour une truffe du Piémont. Des mèches, frisées comme des peaux d’Astrakan, voltigent sur ce museau avec des hasards pittoresques, lui bouchant tantôt un œil, tantôt l’autre, ce qui lui donne la physionomie la plus hétéroclite du monde en la faisant loucher comme un caméléon.

Chez Myrza, la nature imite l’artificiel avec une telle perfection que la petite bête semble sortir de la devanture d’un marchand de joujoux. À la voir, avec son ruban bleu et son grelot d’argent, son poil régulièrement frisé, on dirait un chien de carton et, quand elle aboie, on cherche si elle n’a pas un soufflet sous les pattes.


Il faut avouer, d’ailleurs, que Myrza était assez stupide, et nous lui préférions Dash, l’affreux roquet, aussi spirituel que laid. Nous l’avions trouvé un matin dans la voiturette d’un vieux ramasseur de verre cassé, qui avait la triste mission de l’aller noyer, parce qu’il s’était brisé une patte de devant. L’indignation et l’attendrissement furent unanimes à la maison, et on n’hésita pas à sauver la vie au jeune chien, en l’adoptant. On ne parvint pas à raccommoder sa patte : elle resta flottante et trop courte, ce qui ne l’empêchait pas d’être gai et leste, excepté quand on prétendait lui enseigner quelques tours. Il faisait alors le pauvre chien boiteux, incapable de se traîner, et lançait des regards de reproches qui semblaient dire : « Vous n’êtes vraiment pas raisonnables !… » Seulement, quand on s’était rendu à ses raisons, il se remettait à sauter et à courir sur ses trois pattes.

Dash avait l’intelligence très vive. Mon père lui trouvait « une physionomie grimacière étincelante