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le second rang du collier

relevé ; il examinait, d’un air perplexe, ses mains souillées et son paletot, dont tout un côté disparaissait sous un enduit jaune. Qu’allait-il faire ? S’en retourner ? Il hésita quelques instants, puis il traversa la rue et vint résolument vers la maison. Vite, je refermai sans bruit la fenêtre, pour courir en bas et ne rien perdre de ce qu’il dirait.

Dès l’escalier j’entendis les exclamations de Marianne, stupéfaite de voir M. Baudelaire dans un pareil état.

— Monsieur est au moins tombé du haut de l’omnibus !

— Non, ma fille, pas de si haut. Aidez-moi à me rendre présentable, répondit-il en baissant la voix.

Il ôta ses gants de chamois gris et son paletot boueux, puis entra dans la cuisine, pour qu’on lui essuyât le bas de son pantalon.

Je pus me glisser, sans être vue, dans la salle à manger, où mon père s’était attardé, après le déjeuner, à lire son journal en fumant, parce qu’il faisait là plus chaud qu’ailleurs.

Baudelaire parut bientôt, parfaitement correct, une cravate en soie cerise nouée mollement sous son col qui lui dégageait le cou.

— Je viens d’être renversé et terrassé par un chien que je ne connais pas, dit-il, j’étais effroyable à voir ; mais votre chambrière alsacienne m’a gentiment remis à neuf.