Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/116

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bruine, chassés par le vent, lui arrivaient à la figure.

Un pesant clapotis d’eau se faisait entendre à travers les rumeurs de la rafale, et le dernier repli d’une vague lancée plus loin que les autres vint mouiller le pied de Benedict. Il en conclut que ce souterrain aboutissait à la Tamise, et comme en fait de nage il eût pu lutter avec lord Byron ou Enkhead, il crut son évasion assurée.

Effectivement, rien n’était plus facile pour un nageur comme lui que de gagner l’ouverture de la voûte qui devait aboutir sur le fleuve, et de là remonter ou descendre vers la rive, selon le point où il se trouverait.

Tout joyeux de cette espérance, il se croyait déjà assis près d’Amabel, lui racontant cette aventure bizarre, et la priant de lui pardonner l’inquiétude bien involontaire qu’elle lui avait causée ; avec cette rapidité inouïe qui caractérise, la pensée, le fluide le plus véloce après ou même avant l’électricité, mille tableaux charmants se succédèrent dans sa tête pendant le court espace de temps qu’il mit à franchir trois marches.

— Il se vit à l’autel, pressant les doigts délicats de miss Vyvyan, puis sur le seuil de la chambre nuptiale, et, par un tableau d’une intuition plus lointaine, dans sa maison de Richmond ; il était debout à côté d’Amabel, sous la véranda du perron de marbre, et regardait jouer avec un daim familier un bel enfant blond sous le velours vert d’un boulaingrin.

Ces beaux rêves s’écroulèrent subitement et fu-